Là est la question !
Bonjour, chers amis de Poisson Plume… Alors, ce Black Friday ? Pour ou contre ?
La question se pose tant du point de vue des consommateurs (consomm-acteurs) que des entrepreneurs, en fait. J’avais envie aujourd’hui de prendre la parole à ce sujet, en tant que fondatrice de la boutique de bijoux de créateurs Poisson Plume. Une réflexion pour faire le point, en cette fin d’année. Je verrai comment évolue mon opinion à ce sujet. N’hésitez pas à me donner votre avis, cela m’intéresse (vraiment).
Si l’on part de l’Amérique… et uniquement du point de vue des achats – il y aurait bien d’autres choses à raconter du point de vue des fêtes, des traditions familiales, des vœux… -, le Black Friday arrive le lendemain de Thanksgiving. Donc, si je ne fais pas d’erreur (dites-moi si je me trompe), ces promotions sont proposées derrière une période active de consommation, en particulier alimentaire, pour les Américains. Je le comprends ainsi comme une immense opération de promotions, juste après des périodes de dépenses chez les clients. Il y a du positif des deux côtés : les acheteurs économisent, et vendeurs relancent leurs ventes.
Or, en France, il n’y a pas de grande fête après laquelle les boutiques ont besoin de relancer leurs ventes… mais on se trouve simplement dans les premiers temps de la grande période d’achats qu’est Noël.
Avec l’effet de la mondialisation, on est donc en train de demander aux entrepreneurs de beaucoup de pays de vendre à gros rabais au cours de la seule période de l’année… connue pour être la plus importante des pays de tradition chrétienne, celle qui assoit la solidité annuelle d’une société. Difficile. Très difficile. Le comportement à adopter n’est pas une évidence, quoi qu’on veuille bien nous dire. L’impact de cette décision est fort. Nous pouvons en effet convenir que si, par malheur, une boutique rate totalement sa période de fêtes, elle fragilise énormément son année et encore plus celle à venir.
Pourtant, c’est bien cela qui arrive en France, par exemple. On nous demande de nous calquer sur ce calendrier international… parce que. Parce que ? Parce que tout le monde le fait, voyons. Regardez les chiffres incroyables de grands acteurs des marchés mondiaux. Cette période est devenue leur plus grosse période de vente de toute l’année. J’entendais des chiffres donnés à la radio, cette semaine, qui sont à tomber à la renverse.
Alors, nous, humbles boutiques, revendeurs, créateurs, que faisons-nous ?
Que choisissons-nous ? Où plaçons-nous le curseur ?
Pour la suite de ma réflexion, je vais volontairement choisir mon cas et non celui d’une grande enseigne ayant des marges extrêmement fortes, où, finalement, les rabais sont parfois/souvent déjà intégrés dans le prix de vente initial. Ce qui n’est vraiment pas le cas chez moi.
– Cas 1 : Opération Black Friday, avec des promotions appuyées.
La boutique se fait connaître, elle vend beaucoup, mais son bilan financier est de piètre qualité. L’idée est donc l’espoir d’améliorer sa visibilité (je vous rappelle qu’en temps normal, se faire connaître sur un moteur de recherche comme Google coûte énormément d’argent et asphyxie nombre de petites sociétés sur internet), tout en serrant les dents sur un travail qui ne sera pas du tout payé à sa juste valeur. Pas simple. Ce choix sera fustigé par certains, mais je ne peux pas le pointer du doigt et le dénoncer comme quelque chose d’affreux. S’il y avait des décisions faciles, cela se saurait. Après, oui, soyons clairs, la petite société se met également en péril, car elle donne une image dégradée de ses produits. Et c’est assez terrible pour ses confrères également, car les clients ne comprennent pas toujours que la réduction ne soit pas ensuite la même dans d’autres magasins. Mais encore une fois, chaque entreprise fait comme elle le peut. Je brainstorme, je réfléchis tout haut, je ne fustige personne.
– Cas 2 : Pas de Black Friday.
La boutique reste calme au milieu de la tempête, elle sait la valeur de ce qu’elle vend, elle connaît la valeur de son travail. Elle préfère moins vendre mais continuer à respirer, sans se sentir prise à la gorge. Les ventes sont sans doute moins fortes. Ce n’est pas un choix si simple à faire. De mon point de vue, c’est un choix vraiment très respectable. Courageux.
– Cas 3 : un BlackFriday modéré.
Hello l’entre-deux ! On ne garde sans doute de cette opération Black Friday que le nom, on offre des réductions, mais de manière modérée. Autant vous le dire tout de suite, c’est le cas de ma boutique de bijoux, cette année. Je ne sais pas ce que je choisirai de faire l’an prochain. Je suis en mode « Test and Learn ». Qu’en pensez-vous ? Je peux tout entendre, sauf, bien entendu, les propos tendus, agressifs. Pourquoi une telle modération a-t-telle guidé mes choix ? Je vous explique… (Prenez une petite boisson chaude, j’ai encore des choses à partager avec vous ! 🙂 )
Vous allez sans doute me dire… Nathalie, tu ne sais pas choisir ? ^^ Je vous répondrai tout simplement que… pardonnez-moi… Peu de personnes, aujourd’hui en France, parviennent réellement à choisir.
◊ Regardons la façon de se comporter d’un acheteur lambda. Il est généralement sympathique, il a un bon fond, il est dans le respect des entrepreneurs, des revendeurs, des créateurs. Il voudrait avoir le meilleur comportement possible, vis-à-vis de ses achats. Lui aussi, adopter un comportement « juste ». Sauf que… Sauf que dans la vraie vie, il y a les fins de mois compliquées, des cadeaux à faire aux proches (beaucoup de proches = beaucoup de cadeaux), la volonté de ne pas oublier ses enfants, ses parents non plus.
Alors, comment faire ?
♦ Ce que je constate, en tant que boutique, c’est que dans la vraie vie, les clients cherchent la bonne affaire. Ils comparent, aiment trouver la petite / grande réduction qui les aide, surtout en cette période de pré-Noël. Je ne suis pas du tout dans le jugement mais dans le simple constat. Alors, ne proposer aucune réduction en ce Black Friday, c’est également voir ses ventes gelées pendant une semaine. Une semaine. C’est énorme, pour une petite boutique. Je vous rappelle qu’en outre, au-delà de mettre ma marque en valeur, je mets en avant les créateurs de ma boutique. Ce n’est pas si simple que cela. Mettre en valeur tout le monde, tout en essayant de vous demander de retenir également le nom de ma boutique en ligne… c’est un peu la quadrature du cercle. ^_^
♦ Ajoutez à cette façon d’acheter une vision des entrepreneurs parfois erronée : lorsqu’elles viennent chez des revendeurs de bijoux de créateurs tels que Poisson Plume, certaines personnes sont convaincues de se trouver face à Crésus. Ainsi, certains clients pourront se dire (à tort) : une entrepreneure dans le monde du bijou de créateur haut-de-gamme… Voyons… elle a forcément un important matelas financier et peut nous proposer de grandes réductions ; peu importe pour elle. C’est comme toutes ces grosses enseignes, elle y gagnera toujours. (Excusez-moi, je m’étouffe.) Comment vous dire ?
Que nenni, chers amis.
♥ Une petite structure comme la mienne est fragile, bien entendu. J’espère que vous ne découvrez rien avec mes propos.
Elle est agile, proche de ses clients, mais fragile. Une plante à vraiment chouchouter. Certes, je pourrais vous dire que mon e-shop de créateurs est en grande progression par rapport à l’an dernier et encore mieux en comparaison de l’année d’avant, ce qui est vrai, mais ne confondez pas chiffre d’affaire et marge. J’ai encore énormément de travail pour faire grandir cette jeune pousse. Par ailleurs, lorsque je fais des gains, je les réinvestis immédiatement. Je prends des risques. Je vais vous proposer de nouveaux types de bijoux, de nouveaux créateurs. Je travaille autour d’un nouveau stock d’accessoires hauts de gamme et vraiment, encore une fois je tiens à le dire, oui, je prends des risques.
♥ Ainsi, s’il vous plaît, abandonnez l’idée qu’une promotion en cours n’est rien pour moi. Loin de là, elle est une vraie marque de remerciement envers vous.
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Oui, quand je fais du 10% sur un bijou de créateur, cela m’impacte.
15%, c’est plus difficile.
20%, c’est gros gros gros.
Alors, quand je vous fais parfois plus de réductions en période en soldes, en janvier et juin, mais que cela n’atteint pas toujours les 50%, n’ayez pas une sensation de frustration. Oui, de vrais efforts sont faits à chaque période de promotion. Et c’est également pour cette raison que très souvent, il n’y a pas de réduction “du moment”, de promotion en cours chez Poisson Plume. Sinon, je vous assure que je peux déjà réfléchir à créer une autre société. Mais pas celle-ci.
Quant à rajouter les frais de port gratuits à des promotions, en-dessous d’un certain budget, cela devient souvent impossible.
Un jour, je vous parlerai des frais postaux qui galopent à la hausse chaque année…
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Voilà ! C’était un peu long, mais inévitable. Je trouve également qu’il s’agit de problématiques intéressantes.
Il n’y a pas les méchants d’un côté et les bons de l’autre. Il n’y a pas de choix simple à faire. La vie est faite de zones grisées.
A la tête de ma boutique, je travaille très bien (oui, j’ose le dire… je passe suffisamment de temps à ne regarder uniquement ce que je pourrais améliorer, je dois quand même parfois dire haut et fort que je suis fière de la qualité de mon travail), j’ai mon métier d’entrepreneure à cœur. Je fais finalement comme bien des entrepreneur(e)s : je fais… au mieux, tout simplement. Je respecte les différents choix de mes collègues. Ce n’est pas facile pour eux non plus. Je ne sais pas d’ailleurs quel choix je ferai l’an prochain. Mais sachez que LA solution simple n’est pas encore arrivée sur un plateau.
Il me semble que nous sommes tous dans nos contradictions quotidiennes sur mille et un sujets. On fait avec. On avance, en se posant des questions. Mais soyez certains d’une chose : nous avançons avec sincérité, toujours.
Excellent vendredi et excellent week-end, Black Friday, Black Week ou… non. 🙂
Nathalie